Le latin jazz perd Alfredo Rodriguez (03/10/05)



Le pianiste cubain installé à Paris est mort lundi à 68 ans.

Par François-Xavier GOMEZ

jeudi 06 octobre 2005 (Liberation - 06:00)

Ces vingt dernières années, lorsqu'un groupe cubain jouait à Paris, il y avait un moment quasi obligé : saluer la présence d'Alfredo Rodriguez et l'inviter à s'asseoir au piano pour un solo, souvent ébouriffant. «Ton style est plus cubain que le nôtre», disaient les musiciens admiratifs, surpris qu'un homme dont la carrière s'est déroulée loin de Cuba, à New York puis Paris, soit resté à ce point proche de ses racines.

Né en 1936 à La Havane, Alfredo Rodriguez se met sérieusement au piano à son arrivée aux Etats-Unis en 1960. Admirateur de ses compatriotes Peruchín et Lino Frias, il joue dans les meilleurs orchestres du New York latino, accompagnant les légendes telles La Lupe, Ismael Rivera ou Daniel Santos. En pleine frénésie boogaloo (mélange explosif salsa-soul), il est le pianiste de Joe Cuba. En 1973, il retrouve le joueur de congas Patato Valdes pour graver la Ambulancia, un classique salsa.

En 1983, il pose ses valises à Montmartre. De la Chapelle des Lombards à la Java et au New Morning, il établit son style vigoureux, nourri d'une vaste culture : il dominait à la fois le répertoire cubain, classique et traditionnel, le jazz et la musique classique européenne. La liste est longue des musiciens qu'il fit venir à Paris, parfois pour la première fois : Papaïto, Patato Valdes, Tata Güines, Changuito, Miguel «Anga» Diaz, Orlando «Maraca» Valle... Il intégra aussi dans sa formation des débutants à la Diego Pelaez, Yuri Buenaventura ou Orlando Poleo. Il a enregistré sous son nom une demi-douzaine d'albums, mal distribués, avec en 1996 l'exceptionnel Cubalinda (Rykodisc).